Le colonel Joseph Nil Robin (1837-1918) a publié une chronique politique et militaire de la Kabylie des débuts de la conquête française de l’Algérie en 1830 jusqu’à l’insurrection de 1871 et sa répression. Le tout sur près de 1500 pages publiées entre 1870 et 1905.
C’est sous la forme de six volumes que les éditions Bouchène ont rassemblé l’ensemble de ces publications. Chaque volume est enrichi d’une présentation et des index des noms de personnes, de lieux et de tribus.
Outre la minutie des chroniques de Robin et son utilisation systématique de toutes les sources disponibles – publiques et privées, françaises et kabyles -, l’un des intérêts majeurs de l’œuvre de Robin est de proposer le plus riche gisement de données biographiques concernant la Kabylie du XIXe siècle. Robin s’est toujours soucié de faire état des témoignages contradictoires ou complémentaires pour établir les faits.
Avec cette réserve majeure qu’il est beaucoup mieux renseigné et bien plus préoccupé de rendre compte de la pluralité des perspectives côté français que côté kabyle. Même s’il convient cependant de souligner qu’il demeure le seul – pour cette période, et jusqu’à présent – à témoigner des contradictions qui travaillaient la société kabyle quant à la façon de faire face à la situation créée par la conquête française.
Avec L’insurrection de 1856-1857 dans la Grande Kabylie quelque chose change. Ce n’est plus simplement la pluralité des témoignages concourant à l’établissement des faits qui est l’objet de l’attention de Robin, mais celui de leur interprétation, c’est-à-dire du sens que leur donnent les Kabyles. L’ouvrage de Robin est également précieux pour les analyses qu’il livre des effets des contradictions et des hésitations politiques de la France en Kabylie, précisément à l’égard des chefs et autres caïds qu’elle avait investis.
Robin ne manque évidemment pas de détailler les calculs des leaders kabyles – leur attentisme, leur précipitation ou leurs stratégies personnelles- , mais c’est aussi, et surtout, pour lui l’occasion d’examiner – et de publiciser- les contradictions et les inconséquences de la politique suivie par ses supérieurs, Etat-major et Gouverneur général. Ce n’est évidemment pas pour rien que Robin a attendu de ne plus être astreint à l’obligation de réserve de tout militaire pour traiter librement en historien des différents aspects de cette insurrection et des développements politiques qui l’avaient préparée.
Alors qu’il avait déjà publié plusieurs ouvrages sur la région, c’est en effet seulement après avoir pris sa retraite (en 1897) que Robin publie, en 1898, ses Notes et documents concernant l’insurrection de 1856-1857 de la Grande Kabylie