La Kabylie peut-elle être le prochain Etat indépendant

« Les nations qui peuvent être indépendantes ont non seulement le droit de l’être, mais le devoir de l’être. » C’est ainsi que s’exprimait au Québec le défunt Bernard Landry, ancien premier ministre de la « belle province ». Un avis que partage, bien sûr, Ferhat Mehenni qui préside le gouvernement provisoire de la Kabylie.

Le 19 mai dernier, à Paris, il l’a encore affirmé haut et fort en présentant à la presse le projet de constitution de la future Kabylie indépendante. « Cela fait deux ans, a-t-il précisé que nous élaborons ensemble ce projet ». Deux années pendant lesquelles les dirigeants kabyles ont rencontré de nombreux intellectuels, des constitutionnalistes, des hommes politiques venus de tous les horizons. Le modèle de constitution choisi s’est beaucoup inspiré de celui de la Confédération Helvétique ou bien encore des Etats-Unis.

Une identité de toujours

Ce projet constitutionnel constate que la Kabylie, toujours assise sur le socle ancestral qu’est sa langue, a su donner autant qu’elle a emprunté à la culture judéo-gréco-romaine. Ses contes et légendes nous racontent son héritage culturel hérité en partie des brassages de Carthage, du souffle Vandale, des guerres byzantines sans altérer pour autant la société kabyle. Elle a su accueillir toutes les croyances qui sont venues jusqu’à elle, elle les a acclimatées et pacifiées. Elle est à la fois animiste, juive, chrétienne, musulmane athée ou agnostique… bref, elle est laïque. Mais elle a aussi la fougue d’un Jugurtha, « l’ami des Romains » enterré à Constantine, ou la vaillance d’une Dihya, reine juive des Berbères, plus connue sous le nom de la Kahina.

Dès le IVème siècle, la Kabylie s’est organisée en une vaste confédération et, grâce à son relief, a su protéger son indépendance et rester elle-même, y compris au temps de la Régence turque d’Alger, en dépit des nombreux accrochages et des guerres toujours localisées. D’une certaine manière, c’est l’arrivée de la France, en 1830, qui fera peser sur la Kabylie le danger d’une annexion à l’Algérie, ce pays tout neuf inventé par le nouveau colonisateur. Les Kabyles n’acceptent pas cette menace et, au printemps 1871, ils déclenchent une insurrection massive mais qui sera défaite par la supériorité technologique et militaire de la France.

La guerre après la guerre

Cette insurrection est toujours présente dans les mémoires, c’est elle qui explique la détermination kabyle durant la guerre d’Algérie, de 1954 à 1962. Ses combattants ont payé le prix cher, dans cette lutte mais ils ont parfois été assassinés par leurs propres « frères », comme Abane Ramdane, le père de la « déclaration de la Soumman » en 1956.

A l’issue de la guerre franco-algérienne, la Kabylie de retrouve prise par le piège tendu par les nationalistes algériens, se revendiquant surtout comme arabo-islamiques. Les années qui vont suivre, celles de Ben Bella ou de Boumediene, vont montrer que l’Algérie, désormais indépendante, ne peut accepter l’existence d’une entité rivale de l’arabité. Les Français d’Algérie, les pieds noirs et les juifs, feront le même constat, choisissant entre la valise et le cercueil.

« Pour que vive l’Algérie, la Kabylie est condamnée à mourir » souligne le préambule au projet de constitution kabyle. C’est une évidence que les élites ont mis longtemps à saisir et à admettre. L’échec du Mouvement culturel berbère est leur échec.

C’est la révolte du printemps noir, de 2001 à 2003, qui est le point de bascule de l’histoire de la Kabylie. Près de deux millions de Kabyles ont défilé, le 14 juin 2001, à Alger, décidés à reprendre leur destin en main. Ils se sont donné un outil pour y parvenir, le MAK ou mouvement pour l’autonomie de la Kabylie devenu, en 2013, le mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie. La nuance est d’importance.

En 2021, l’oppression algérienne atteint des sommets terrifiants avec la mise en place de l’opération « zéro Kabylie », opération décidée dans le plus grand secret à Mostaganem, dans l’ouest algérien.

Aujourd’hui, la volonté d’indépendance de la Kabylie a franchi un point de non retour. Seule l’indépendance permettra, en effet, de sécuriser tout un peuple contre la répression, la domination étrangère, l’aliénation linguistique et culturelle, et enfin contre le racisme dont ce peuple est victime.

Jamais, peut-être, ce désir d’indépendance n’a été aussi près de sa réalisation, mais le combat est loin d’être terminé.

© Alain Herbeth

SourceTRIBUNEJUIVE.INFO

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