La circulaire ministérielle ainsi que les préconisations académiques indiquées aux
professeurs de français en vue de la corrections des épreuves du bac 2022 sont si
tolérantes à l’égard de l’élève qu’il faudrait vraiment le faire exprès pour rater cet examen.
Nous avons pu nous procurer les consignes de l’académie d’Orléans-Tours, et d’emblée,
nous avons relevé cette inégalité aberrante de traitement entre les candidats.
A la limite de la triche autorisée
Exemple. La notice explicative (reprenant la note de service 4-4-2022 parue au B.O. n°14
du 7 avril 2022 pour l’épreuve orale de juin 2022) stipule qu’au niveau national « L’œuvre
choisie pour la seconde partie de l’épreuve orale est à disposition de l’élève durant cette
partie de l’oral ; elle peut comporter des signets ou des passages surlignés, mais ne peut
comporter aucune annotation écrite de la main du candidat. » Pourtant, aussi incroyable
que cela paraisse, l’académie d’Orléans-Tours préconise l’inverse : « Il est possible que
le candidat, afin de maîtriser l’œuvre qu’il a choisie, ait choisi de l’annoter, de surligner
des passages ou d’installer des signets pour faciliter ses repérages. Ces traces, parce
qu’elles reflètent le travail d’appropriation de l’œuvre, sont autorisées dans le cadre de
l’examen et l’examinateur ne pourra en aucun cas empêcher le candidat de mobiliser
l’œuvre qu’il aura apportée ou lui tenir rigueur dans son évaluation de ce travail
d’appropriation. »
Autrement dit, l’élève peut arriver en ayant bien pris soin de recopier son plan ou son
cours dans son livre, ceci est parfaitement autorisé, toute ressemblance avec de la triche
serait parfaitement fortuite ! Ségolène, professeur de lettres dans un lycée du Loiret, s’interroge : « Les éditions scolaires (avec dossier pédagogique intégré) étant autorisées, comment s’en sortir ? Cela devient ridicule. L’examinateur est handicapé par le protocole même de l’épreuve. » Câlinothérapie Par ailleurs, tout a été mis en œuvre pour que l’épreuve soit extrêmement bienveillante : la formulation de la question de grammaire doit être simple, elle doit porter prioritairement sur des cas généraux. Si le candidat ne respecte pas l’ordre des étapes de l’épreuve 2/2 (lecture, explication linéaire, question de grammaire), le professeur ne doit ni l’interrompre ni le pénaliser. De même, si le candidat a oublié de lire le texte à haute-voix, « l’examinateur doit l’interrompre et lui signaler avec bienveillance cet oubli » et, là encore, ne pas le sanctionner. Câlinothérapie oblige, le professeur s’assurera que l’élève n’ait plus rien à ajouter avant de passer à la seconde partie de l’épreuve. L’examinateur est invité à ne pas avoir une liste de questions préétablies mais « s’il faut se laisser porter par le candidat, comment vérifie-t-on les connaissances d’histoire littéraire, par exemple ? », demande Ségolène. Et le professeur de compléter : « Maintenant il faut noter la lecture, ce qui montre que c’est devenu un défi. » Elle précise qu’à force de « petits bouts de points donnés çà et là : il aura bien lu, il aura repéré le verbe dans la phrase, il aura partout bien fait un petit peu quelque chose », l’élève tant bien que mal peut arriver à une note de 9 sur 20 et obtenir la moyenne après passage de son dossier en commission d’harmonisation. Dévalorisation de l’épreuve Samia, autre professeur de lettres dans un lycée parisien, nous confie avoir « beaucoup
de compassion pour les jeunes professeurs, car quand on débute on y croit encore ».
Dépitée, elle reconnaît « avoir abdiqué pour l’autorité de ses notes ». Elle dénonce
Parcoursup qui oblige les établissements à aligner leurs résultats pour ne pas pénaliser
leurs élèves et avoue que, dans son lycée, les professeurs s’autocensurent dans la
rédaction des appréciations : « Tous les éléments de langage sont positifs, les mots «
insuffisant », « fragile », « non-fait » ou « absent » sont proscrits dans les bulletins ».
Résultat de cette bienveillance à outrance, le bac n’a plus de valeur autre que
symbolique et la sélection des élèves est reportée à l’enseignement supérieur. En 2021,
le taux de réussite au baccalauréat a été de 93,7 % (chiffres du service public), alors que
44 % des bacheliers 2016 inscrits en 1ère année de licence à la rentrée suivante ont
obtenu leur diplôme en trois ou quatre ans (chiffres du ministère de l’enseignement
supérieur). Enfin, phénomène inquiétant et symptomatique de cet effondrement
intellectuel : des professeurs de lettres au lycée sont désormais appelés pour venir
mettre à niveau des élèves en première année d’université n’ayant pas les bases
suffisantes en orthographe et grammaire…
*Les prénoms ont été modifié
Source: Boulevard Voltaire