Au moment où nos visiteurs de l’été nous quittent, il est temps de les saluer par un kenavo rituel. Kenavo est la contraction de kenavezo et signifie au revoir. On y ajoute souvent une précision de temporalité : kenavo disul (à dimanche), kenavo da vloaz ( à l’année prochaine) ou encore kenavo d’ar pardon ( à bientôt au pardon).
On peut être plus imprécis : kenavo ur wech all ( à une prochaine fois) ou encore kenavo en distro ( à ton retour), kenavo ar c’hentañ ( à la prochaine)
Bien entendu, il sert aussi à saluer un défunt : kenavo e baradoz an Aotrou Doue (a bientôt au paradis de Dieu.) « Le dernier Kenavo laisse après lui une trainée lumineuse d’immortalité » a joliment écrit un biographe du chansonnier Théodore Botrel.
Ce dernier est le grand propagateur du kenavo : « Dans un dernier sanglot, quittons nous sur ce mot, kenavo ! » écrivait-il en 1912 avant de composer son grand succès pendant la Grande Guerre : Kenavo Bretagne, Kenavo dit o Breizh-Izel qu’il composa dès Août 1914. Kenavo est devenu très populaire au début du XXème siècle : c’est le nom de chats, de perroquets, de chevaux de course, de voiliers de yachts, et même le prénom d’un héros de roman : Le poilu Kenavo !
Le kenavo à la petite patrie est un grand classique de la littérature bretonne. Dans son kimiad ar martolod yaouank o vont d’ar Chin ( Adieu d’un jeune marin parti pour la Chine) le poète Dir na dor s’exclame : Kenavo ‘ta reier, derv, Traezh ha bili, Tourioù, iliz karet, Kenavo va ziig balan, va bagig bihan, Kenavo Breizh a greiz kalon, Breizh a bouez-penn. (Au revoir rochers et chênes, plages et galets, clochers et églises bien aimés. Kenavo ma petite maison de genêts, mon petit bateau, Kenavo Bretagne de tout mon coeur et à toute volée).
Louis le Clerc, pendant son voyage à Jérusalem en 1903 a pu mesurer le succès de ce mot auprès de petits arabes d’une école locale à qui il avait appris des mots bretons : Ar ger diwezhañ-mañ eo a blij dezho ar muiañ. Ha pa deuomp da gimiadiñ oute e laront hag hec’h adlaront dimp hep skuizhañ : kenavo ! Kenavo ! (Ce dernier mot est celui qui leur plaît le plus. Et quand nous partimes ils n’arrêtaient pas de nous dire et de nous redire Kenavo ! Kenavo ! »
Kenavo qui est cité plus de 500 fois dans des écrits en français sur le site Gallica de la bibliothèque nationale, n’est toujours pas dans le dictionnaire de l’Académie française. Sans doute est-il anticonstitutionnel !