Dans une tribune intitulée « Avis de tempête ? », Yvon Ollivier, auteur engagé pour la défense de la langue bretonne, pointe les difficultés à décentraliser l’action politique en France et l’impact de cette politique sur le réseau Diwan.
« Prenons garde à l’esprit du temps nouveau. Alors que l’Histoire semblait suivre le cours de l’émancipation démocratique, le retour du bâton se fait cruel. Après la victoire des démocraties en Europe de l’Est, avec la chute du mur de Berlin, voici que la Russie rebat violemment les cartes en Ukraine.
Les valeurs d’ouverture et de décentralisation ont longtemps primé en Bretagne, notamment à gauche de l’échiquier politique. Même si l’émancipation promise, comme la réunification de la Bretagne historique, ne sont restées que de belles promesses bloquées par les élites parisiennes, au moins le sens de l’histoire était-il clair. Mais voici que l’extrême gauche jacobine étend son emprise sur l’ensemble de la gauche. Les velléités décentralisatrices du PS et des écologistes n’étaient donc qu’un vernis pour se concilier les voix bretonnes ? Nous aurions dû le savoir.
La France insoumise se tait superbement sur l’avenir du réseau Diwan plus que jamais menacé faute de protection juridique. La « libre pensée » ressort du bois pour salir notre Gwenn ha du si cher au cœur des Bretons. Même la dimension celtique de notre identité bretonne reçoit désormais les sarcasmes du Musée de Bretagne. Faudrait-il donc se plier au corset de l’identité monolithe latine et française ? Partout, on sent rougir à nouveau le fer de l’emprise jacobine. Quant à l’extrême droite, elle n’a jamais été aussi forte, puisant à toutes les craintes.
Alors que l’évolution démocratique de la Bretagne devait se concrétiser de manière pacifique, les nuages s’amoncellent à l’horizon. Notre avenir immédiat sera-t-il fait de nouvelles luttes dont les Bretons ont le secret lorsqu’ils se retrouvent acculés au mur ? Avons-nous vraiment besoin de cela ? Il y a tant de soucis à régler en ce monde, tant d’injustices criantes à terrasser, à commencer par celles qui sont inhérentes au système jacobin. Je n’ai jamais compris que l’on puisse subventionner l’opéra de Paris à hauteur de 95 millions d’euros lorsque la survie de deux langues menacées de disparition en Bretagne ne reçoit que 8 millions d’euros de la part de la Région. Comment peut-on justifier un tel système ?
Le moment tant redouté par le général de Gaulle est en passe de se produire. La France se défait sous nos yeux faute d’avoir su décentraliser. L’unité française ne progressera pas lorsque Diwan sera étouffé et que la promesse que ce réseau incarne pour l’avenir du breton aura vécue. Elle est plus que jamais fragile cette unité française, menacée de toute part. Et ce n’est pas aux Bretons qui ont déjà tellement souffert du mépris, d’en payer aujourd’hui le prix fort.
Je ne vois qu’un seul remède : le vœu voté par le Conseil régional de Bretagne en faveur de l’autonomie ne doit pas rester lettre morte. Le président du Conseil régional Chesnais-Girard doit lui donner force en élaborant ce statut particulier, dont la Bretagne a tant besoin, et en le proposant solennellement à l’État français. Dans la tempête, la Bretagne doit rester dans le sens de l’Histoire qu’elle a choisi ».